« Toulouse (31) - Pernes Les Fontaines (84) » Les 18 et 19 avril 2003 - distance : 405 km |
L'équipe N° 2 (78° équipe officiellement engagée) se compose de Jean-Paul Fouchard, Christian Maillet, Patrice Micolon, Philippe Valdenaere et Pierre-Yves Borg. Elle suit le même chemin, mais une heure après.
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Jeudi, 19h00, une terrasse de café comme il y en a des dizaines à Toulouse. Je suis face au soleil dans la chaleur de cette fin de journée. Mon frère est à côté de moi et cela fait 20 mn que j'essaie de lui expliquer pourquoi je suis à Toulouse avec mon vélo pour faire un week end de vélo dans la région d'Avignon. Il n'a jamais pu comprendre pourquoi je faisais tout ce vélo depuis des années et je crois qu'il ne comprendra jamais surtout si j'argumente par le biais d'une Flèche Vélocio ... Pourquoi rouler 24h00 sans dormir alors que Toulouse - Avignon existe en train de jour ? Vu d'une tranquille terrasse toulousaine, je peux commencer à comprendre son incrédulité après tout. On arriverait presque à avoir le doute ! Mais la suite du compte rendu montrera qu'un troquet a tout autant de charme en pleine nuit en tenue de cyclo avec baudrier réfléchissant qu'en fin d'après midi dans la douceur toulousaine ... Tout n'est qu'une histoire de goût !
Vendredi, 15h00, j'arrive devant la gare de Toulouse Matabiau. Le départ de notre équipe est à 16h00 et personne n'est encore là... Au bout de quelques minutes, mon portable sonne et on me demande de me déplacer de quelques centaines de mètres pour aller trouver nos Abeilles à une terrasse de café le long du Canal du Midi. L'équipe est ainsi complète : Claudine, Jean Pierre descendus en voiture et Henri descendu en tandem pour se rassurer sur sa forme. Nous équiperons là nos vélos de la petite plaque de cadre « Flèche Vélocio », mettrons le bon pli de carte routière sur notre sacoche pour les premiers kilomètres.
A 15h30, approche finale vers la gare SNCF. Là nous retrouvons d'autres Abeille de l'équipe n°2 : Jean Paul, Philippe et Patrice [Christian et Pierre-Yves vont arriver]. Après l'échange des bisous, des n° de portable au cas où, nous voici arrivés à l'heure du départ ...
Et hop, c'est parti à 16h00 pile pour 405 km non stop, objectif Pernes Les Fontaines dans le Vaucluse demain à 16h00.
La sortie de Toulouse n'est pas le top en ce vendredi soir, début de vacances scolaires toulousaines et de week-end de Pâques. Nous sommes dans le flux des voitures dans les premiers kilomètres, et il faudra prés de 10 km pour se retrouver enfin dans une paisible campagne toulousaine.
Le relief est calme et nous roulons correctement entre 25 et 28 de moyenne. Arrivés à Bazièges, nous décidons de faire un peu de tourisme en prenant cette belle piste cyclable qui emprunte le bord du Canal du Midi. Nous sommes quand même des cyclotouristes avant tout et ce canal est quand même une des curiosités les plus remarquables de la région. Nous le suivrons presque jusqu'à l'obélisque de Riquet, lieu d'alimentation en eau du canal pour ses deux versants vers l'Atlantique et vers la Méditerranée. Les derniers kilomètres pour rejoindre Castelnaudary seront plus vallonnés.
Après un petit rafraîchissement en terrasse voisine du resto, nous allons donc passer à table et pouvons enfin savourer un cassoulet avec son petit vin rouge ( un Fitou ) après avoir mangé des rillettes de canard. L'autre équipe arrive assez en avance sur l'horaire et quelques traces d'humidité sur leurs fronts nous font comprendre pourquoi ...
Nous repartons cette fois-ci pour aborder la nuit. Les kilomètres défilent à un train toujours un peu rapide peut-être, c'est à dire toujours vers 25-26. Le problème, par moment c'est que même les moins en forme roulent devant à ces vitesses, pris dans l'euphorie de la platitude de la route. Mais la nuit sera longue
Le temps est relativement doux et le ciel est étoilé. La pleine lune ne date que de 48 heure et celle ci est encore bien formée pour nous éclairer les proches alentours.
Chaque cyclo se repère par son éclairage. Entre le discret éclairage d'Henri qu'il cache en grande partie par sa corpulence pour nous qui sommes souvent derrière, et Jean Pierre qui alterne avec ses multiples éclairages et où nous croyons être flashés à chaque fois qu'il allume celui « spécial panneau indicateur » sur sa tête, Claudine et moi restons à des prestations correctes. Le plus important a été atteint : que chacun est son éclairage durant toute la nuit.
La nuit se déroule relativement bien. Nous avons pleins d'images qui défilent devant nous : une superbe cité de Carcassonne superbement éclairée vers 22H00, la quête du bureau de Poste de Trèbes qui tient de la recherche d'un trésor, afin de poster notre carte postale « Contrôle » certifiant notre passage, le regard hagard de ce serveur à Marseillette qui, peut-être un peu éméché apprend pourquoi nous sommes en vélo à cette heure tardive avec ces drôles d'accoutrement à demander des thés ou chocolat chaud alors qu'il est près de minuit, le centre de Béziers joliment éclairée, traversé vers 2h00, ou encore cette petite sieste improvisée de 15 mn sur la plage de Mèze. Comment rester indifférent à ces deux énormes papillotes que sont Jean-Pierre et Henri enroulés intégralement dans leur couverture de survie où rien ne dépasse et Claudine qui teste la bonne résistance au sable de son nouveau Gore Tex jaune ? Étant peu adepte de ce type de mini pose, je me retrouve à tourner en rond sur cette plage à regarder au loin les lumières de Sète et les premières lueurs du jour qui arrivent alors que le reste de la troupe se régénère. Pourvu qu'une ronde la gendarmerie ne passe pas par là ! Vingt minutes plus tard, nous voilà repartis et en sortant de Mèze, nous tombons sur l'autre équipe qui y arrive. L'écart reste faible. Tout le monde semble en pleine forme, l'intégralité des Abeilles semble vaillante à la sortie de la nuit et des 250 km déjà passés. Plus que 150 à faire !
Au petit matin, nous sommes quatre à chercher où prendre le petit déjeuner car Jean Pierre montre des signes de faim aiguë, ce qui semble jouer sur le moral de ses jambes. Cela me rassure car après mon petit coup de barre dans la nuit avec une petite fatigue « jambesque » d'une grosse heure, je croyais rouler avec des machines à avaler du kilomètre, et voilà des signes bassement humains qui apparaissent.
Nous nous arrêtons près de Montpellier à Lattes, alors que Jean Pierre passant prés d'un fast food, était prêt à s'y arrêter. Nous trouvons le petit troquet bien de chez nous. Les premiers clients sont déjà devant leur café, les autres viennent acheter leur journal de tiercé ou leur paquet de cigarettes et préparent leur stratégie de pari. Nous, notre choix est fait, on joue gagnant petit dèj dans la première et 150 km dans la deuxième. Faut être joueur après tout ! De grandes tartines beurre confitures se présentent rapidement devant nous mais disparaissent aussi vite. Leurs grandes sœurs suivent mais subissent le même sort. Les ventres se remplissent et le moral remonte. On sort du troquet et enjambons nos bicyclettes et au même moment l'autre équipe arrive pour la même raison biologique. Le timing est parfait. On se fait les bises, à eux le casse croûte et à nous la selle.
La journée se passe tranquillement sur une route un peu monotone mais qui change de nos traditionnelles routes d'Île de France. Nous sentons un peu de vent qui n'est pas forcément bien orienté suivant les virages. Il reste modéré, c'est le principal. Nous apercevons les plaines de Camargue et ses étangs. La chaleur est présente mais sans excès, bref, impeccable pour du vélo. Le midi, après avoir fait les courses, nous pique niquons à St Gilles, dernier contrôle officiel de la Flèche pendant le parcours avant celui final de Pernes Les Fontaines.
Nous arrivons sur les bords du Rhône à Beaucaire. Le vent se fait plus soutenu et les larges épaules d'Henri deviennent de plus en plus agréables. La fatigue commence à se faire sentir chez certains et il est temps d'arriver à Aramon, ville tristement connue pour de récentes inondations mais qui va le devenir surtout maintenant pour son herbe verdoyante devant son syndicat d'initiative, idéale pour une petite sieste. Cette fois ci, c'est la version « décapotée » des papillotes qui sont en simple tenue cyclo.
Et,
je me laisse même prendre au jeu en m'assoupissant un peu, suffisamment pour que Claudine me réveille en même temps qu'Henri et Jean-Pierre après le quart d'heure réglementaire de la sieste Abeille.
Il ne reste plus que 36 km et 2 heures avant la fin du délai : 18 de moyenne, cela devrait aller. La traversée d'Avignon se passe sans problème, avec peu de circulation automobile. Nous trouvons facilement la route pour sortir et prendre la route de Pernes. Une dernière surprise surgit à la sortie d'un rond point : une montée ! Pas forcément dure, pas forcément longue, mais toute droite, mais surtout pas prévue et au bout de 400 Km Jean-Pierre et moi qui sentions l'écurie en haut, avons tout donné pour monter cela. Je crois même avoir fini la bosse en me disant qu'il n'y avait pas le Ventoux à grimper le lendemain de la Vélocio comme il y a 3 ans et qu'on pouvait tout donner. Le sommet est atteint et c'est la libération. Il ne reste plus qu'une route presque plate jusqu'à la pancarte de Pernes. Nos compagnons nous laisse la passer côte à côte Claudine et moi : présidente et organisateur. Il est 15h47, nous finissons avec 13 mn d'avance. Globalement, même si ce n'était pas notre critère de choix de vitesse pour rouler, nous avons relativement collé au timing théorique établi lors de notre inscription.
A notre arrivée sur le lieu de la Concentration (Pâques en Provence) dans Pernes, nous tombons sur nos premières Abeilles et même quelques anciennes avec Pierre et Marie Noëlle. Les bonjours, un petit coup à boire et voilà la Flèche officielle complètement terminée. Le pointage au troquet conclue ces 405 Km en 23h47, 2 siestes, un resto et trois bistrots.
J'étais préparé psychologiquement à rentrer à notre hôtel qui était encore quelques 21 Km plus loin en voiture. Mais pris dans l'euphorie du groupe, nous reprenons tous nos vélos avec les Abeilles non fléchardes et faisons donc cette distance supplémentaire avec les quelques bosses qui la jalonnent, finalement assez facilement. Comme quoi !
Voilà, trois ans après la Flèche « Chalon Sur Saône - Bédouin », nous avons renouvelé cette expérience assez inhabituelle par son contexte réglementaire. D'un avis assez partagé, il faut vraiment que les parcours soient diversifiés pour motiver les gens. La vallée du Rhône une fois, le Canal du Midi une fois, si une troisième édition se faisait plus tard, il faudrait trouver un autre thème. C'est vrai que c'est un peu tôt dans la saison mais quand c'est une année Paris Brest, cela passe bien mieux !
En conclusion, je dirais que même si je ne suis pas un adepte des grandes distances contrairement à mes coéquipiers qui en ont plus l'habitude, dans ce type de circonstances, j'y trouve une motivation que je n'ai pas forcément en région parisienne. Certains disent que les grandes distances ne sont pas du cyclotourisme, mais quand on s'amuse à prendre un chemin de halage, à se boire un petit Fitou avec un cassoulet après les rillettes de canard, voir la cité de Carcassonne illuminée dans la nuit, se faire une petite sieste sur la plage de Mèze, beaucoup de cyclos qui se disent cyclos ne le fond même pas sur de plus petites distances et de jour. Nous l'avons fait collégialement en restant unis avec un but commun. Ce n'est sans doute pas une activités que nous ferions tout au long de l'année mais cela vaut vraiment le coup de la connaître. J'ai difficilement passé le brevet de 200 Km, j'ai largement échoué sur celui de 300 Km, et là, le 400 Km est bien passé ( d'accord le dénivelé était très faible : 1500 m environ mais les kilomètres étaient là quand même ! ). Merci à mes coéquipiers qui ont su donner le rythme, protéger du vent, ralentir quand cela était nécessaire et surtout toujours garder la bonne humeur et être ainsi d'excellent compagnons de route pour ces 24 heures de vélo. Il faut retenir le superbe comportement d'Henri qui a su rouler avec nous enfin et non 20 m devant comme il a pu le faire depuis le début de l'année au grand désespoir de Claudine !
Merci donc à tous, d'abord d'avoir participé à cette organisation et surtout d'avoir soutenu nos petites faiblesses pour nous amener au bout. Et je vous dis donc à la prochaine Flèche, pourquoi pas !
Olivier JAMILLOUX
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |
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