Je pointe au Pied de Cochon à l'heure où Paris ne s'éveille pas encore. C'est souvent la même équipe de nuit au Pied de Cochon, je commence à les connaitre.
Puis je reviens sur mes pas (comment dit-on en vélo ?) car le parcours commence comme une sortie Abeille dominicale : Rennemoulin, Villepreux, Plaisir, etc... A Neauphle le Château, il est encore un peu tôt pour trouver un commerce où pointer, je glisse une carte à la Poste. J'emprunte ensuite une partie du parcours du rallye de la Malmaison via Garancières, et Orgerus. Le temps est plus couvert que prévu, mais il fait bon pour rouler.
Pointage suivant et petit-déjeûner à Illiers-l'Evêque, petit bourg où les commerces assurent l'indispensable : boulangerie et café. Cette partie du parcours est plutôt plate mais ça ne va pas durer. Le ciel est devenu bleu, mais ça ne va pas durer non plus.
En fin de matinée, j'arrive à Saint-Evroult-Notre-Dame-du-Bois, un bourg qu'on traverse plus vite qu'on en prononce le nom. Mais il a tout pour satisfaire les besoins du cyclotouriste : un joli lac, les ruines d'une abbaye gothique, une jolie église, mais surtout des tables à pique-nique, une épicerie et un bar. Je profite du lac, des ruines et d'une table à pique-nique et réserve l'épicerie et le bar pour une autre fois.
Les côtes deviennent plus longues, et la pluie arrive. Je m'arrête et m'équipe. Positivons : c'est l'occasion d'essayer mes nouvelles guêtres de pluie. La flèche passe sur de petites routes de campagne, mais les fumures d'automne les ont rendus très sales. Le vélo et les quelques voitures qui me dépassent soulèvent un brouillard marron à l'odeur certaine.
Après Argentan, le parcours emprunte sur quelques kilomètres une route fréquentée où des camions soulèvent beaucoup d'eau. Positivons : cette eau là est plus propre et cela me rince des projections brunes.
Arrêt pointage et goûter à Putanges-Pont-Ecrépin (BPF 61). Tous les ponts sur l'Orne sont joliment fleuris et la pluie s'arrête quelques minutes pour me laisser prendre une photo.
A Briouze, beaucoup de voitures, un couple nouvellement marié sort de l'église au moment où je passe. En voyant la jeune mariée monter dans la voiture immatriculée 61, je me dis que je viens de voir la belle au bas-Normand. Et ils ont peut être invité un cousin Gérard, de Rouen, celui qu'ici on appelle l'Haut-Normand (voyez à quelles plaisanteries vous n'auriez pas échappé si vous étiez venus avec moi).
À Mortain (BPF 50), après mon pointage, je suis la trace GPS, mais elle indique de passer à travers un pâté de maisons. J'avance un peu : pas de rue, je recule un peu : pas de rue. Je prends la ruelle la plus proche mais je me retrouve rapidement à pied dans un chemin "à chèvres", que je descends en poussant/portant/tirant le vélo.
Je rejoins le parcours qui emprunte jusqu'à Ducey une toute petite route très abimée, elle est bien terreuse (si c'est de la terre) et l'eau s'accumule dans les trous du revêtement. Trous qu'on ne peut pas éviter, aux endroits où il n'y a plus de route et où ne restent que des trous. Demain, je pourrai dire que j'ai mis mon vélo dans l'Orne hier.
Les grandes bosses ont disparu, elles sont maintenant plus petites, mais aussi plus nombreuses. A Ducey, la nuit tombe, je quitte le tracé de la flèche pour aller dormir au sud d'Avranches.
Après la journée "cyclo" d'hier, aujourd'hui c'est "tourisme". J'ai prévu d'aller tester la compatibilité des nouveaux aménagements du Mont-Saint-Michel avec les vélos et de faire le tour de la baie via la voie verte.
Le temps est bien meilleur qu'hier, ciel bleu avec nuages, mais il fait frais. Dix kilomètres avant le Mont, les panneaux publicitaires foisonnent le long de la route : invoquer Saint-Michel est bon pour le commerce et certains panneaux font sourire : "friterie de l'Archange", "cordonnerie Saint-Michel". Grosse présence publicitaire des galettes, alors que leur nom ne vient pas du Mont mais de Saint-Michel-Chef-Chef en Loire-Atlantique (depuis 1905).
Des panneaux signalent que "tous les véhicules" sont "invités" à se garer très loin du Mont "sauf riverains". Comme j'ai la chance de piloter un vélo et non un véhicule, je passe sous la barrière. J'arrive à La Caserne, le bourg au bout de la digue qui regroupe restaurants, hôtels et boutiques pour touristes, et point de départ des navettes. Les panneaux sont explicites : pas de vélos sur la digue, parking obligatoire pour aller au Mont soit à pied, soit en navette. Il y a un grand parking à vélo avec des arceaux, mais ce n'est pas gardé. En groupe, il faudra laisser un (archange-) gardien pour veiller sur les vélos et les bagages ; en solo, il faudra prendre ses sacoches ou regarder le Mont et son eau de là.
On voit de gros travaux autour du Mont, c'est une vitrine du BTP français : il est difficile de prendre une photo sans grue ou pelleteuse. Certains engins extraient du limon, d'autres construisent le futur pont d'accès au Mont qui remplacera la digue une fois fini. Ce pont permettra à la marée d'entourer complètement le rocher et évitera l'accumulation du limon (et des voitures) au pied du Mont.
J'essaie d'emprunter la route de la digue en vélo. Raté : je me fais interpeller par deux personnes en gilet jaune fluo, qui m'expliquent que les vélos sont interdits "pour des raisons de sécurité". Je m'éloigne pour enfiler perfidement mon imperméable jaune fluo et cette fois, je passe inaperçu. Au pied des remparts du Mont, la police municipale veille : "il est interdit de garer son vélo là, et d'abord les vélos sont interdits". Il est d'ailleurs difficile d'entrer dans le Mont en vélo : le seul passage se fait via une étroite passerelle en bois avec des escaliers, où les piétons se croisent déjà à peine.
Je croise une troupe d'Asiatiques se dirigeant vers le Mont. Plusieurs me bousculent car ils regardent le Mont à travers leurs appareils-photo tout en marchant. Je pointe l'arrivée de la flèche et le BCN 50 dans un des bars face au Mont, la vue est touristique, le coût des consommations est en rapport mais le tamponnage est fait avec le sourire.
Je m'éloigne du Mont pour faire le tour de la Baie via la voie verte, avec l'objectif d'aller manger à Cancale. La petite route qui serpente dans les polders arrive à l'entrée de la voie verte. Surprise, c'est bien vert, mais le reste laisse sans voix, puisque c'est un simple sentier tantôt caillouteux, tantôt sablonneux.
Je m'y engage quand même en espérant une amélioration mais ça secoue fort sur plusieurs kilomètres : à réserver aux VTT et sans sacoches. J'évite avec précaution plusieurs zones de sable assez profondes, me rappelant la leçon des "tribulations de notre Rueillois en Chine".
Entre Cherrueix et Saint-Benoît-des-Ondes, de nombreux moulins à vent rénovés jalonnent le bord de mer, c'est très joli. Le nombre de camping-cars stationnés valide que c'est bien indiqué dans le guide Michelin.
Le trajet jusqu'à Cancale est ensuite moins agréable puisque se succèdent des routes rapides et quelques échangeurs.
Cancale a de plus en plus l'allure d'un port de pêche... aux touristes, tout le front de mer est occupé par des restaurants. La randonnée maritime m'a donné très faim, mais je m'oblige à aller jusqu'au bout avant de choisir mon restaurant (c'est mon supplice de "Cancale"). En fait, les menus et les prix sont semblables quasi partout. Je finis par manger au soleil mais dans une véranda (le vent est frais), où j'ai un point de vue intéressant sur quelques vieux bateaux à l'ancre... et sur mon vélo.
Je reviens vers l'ouest pour rejoindre la gare de Pontorson. Je rencontre un Suisse équipé d'un superbe vélo de randonnée "toutes options" et d'une petite remorque. Il fait un tour d'Europe et va prendre le bateau à Cherbourg-Octeville pour l'Irlande. Il a lui aussi essayé de prendre la voie verte et a été secoué aussi... Le train Granville-Paris fait en sens inverse le parcours que j'ai fait en vélo la veille. C'est plus rapide mais ça me parait plus long.
En conclusion, une flèche ondulée mais qui reste sur les petites routes normandes, peut être à éviter à l'automne à cause des épandages. L'accès au Mont-Saint-Michel est devenu difficile en vélo, les parkings à vélo ne sont pas gardés : il faudra prendre ses précautions.
Thierry Streiff
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |
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