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Flèche Paris-Strasbourg

26-27 mai 2012

par Thierry Streiff
http://abeille-cyclotourisme.fr/souvenirs/2012_paris_strasbourg.html

Les week-ends ensoleillés sont rares ce printemps, il ne faut pas les rater.
La météo annonce deux jours sans pluie mais un peu de vent : c'est décidé, je passe à l'Est !

Paris "Le pied de cochon" :  0 km - 7h00.

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Centre Pompidou au lever du soleil



Après un pointage rapide, je traverse Paris direction : l'Est.

À Villiers/Marne, accident ! Je roule à droite d'une rue, je dépasse un "jogger" qui court sur le trottoir, un casque sur les oreilles. Il décide de traverser sans regarder au moment où je le double. Choc ! Arrêt... Il a l'air surpris, je lui explique qu'il a de la chance que je sois en vélo et non en voiture. Il me dit qu'il n'a rien, toutefois il repart en marchant. Je n'ai rien mais ma flèche aurait pu s'arrêter là. Un vélo ça ne fait pas assez de bruit... à quand un accessoire faisant un bruit de moteur pour rouler en sécurité en ville ?

À Pontault-Combault, le parcours de la flèche amène devant la gare et invite à prendre le passage souterrain routier en virage sous les voies. Problème : un gros panneau interdit la circulation des vélos dans ce souterrain.
Solution pour cycliste peu chargé (mon cas) : prendre les escaliers de la gare sous les voies.
Solution pour cycliste chargé : rester au nord de la voie ferrée en passant par Croissy-Beaubourg et rejoindre le parcours en prenant la D471.

Je roule enfin dans la campagne, mais le vent est plus fort que prévu. Il est plus ou moins gênant selon le relief et la végétation mais, dans la Brie, ça me freine bien. J'essaie de trouver un rythme peu fatigant mais qui me donne quand même l'impression d'avancer. Je dépasse difficilement 18 km/h.

Villeneuve-le-Comte : 45 km - 9h15

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Béthon, on frôle la Champagne à bulles

Pointage rapide et c'est reparti, toujours contre le vent... qui est maintenant bien établi.

En haut d'une crête à Béthon, je découvre les premiers vignobles. J'entre dans la vraie Champagne : celle qui fait des bulles. Je mange sous les arbres devant la salle polyvalente. Il commence à faire chaud, je m'enduis de crème solaire car même si on est fin mai, mes bras et mes jambes ont rarement vu le soleil jusque-là.

Après quelques kilomètres dans les vignes, j'arrive à Conflans-sur-Seine, confluent de la Seine et de l'Aube. Je remplis mes bidons au cimetière que j'avais repéré sur la carte. Le robinet est au dessus d'un ancien bac de lavage, on pourrait presque prendre un bain...

Le parcours remonte la vallée de l'Aube. Tous les bourgs ont "sur Aube" dans leur nom, mais l'Aube reste quasi-invisible. On a dû construire les maisons à l'écart pour éviter les crues. Cette route a deux inconvénients avec la météo que j'ai : il y a peu d'ombre et elle va plein Est, donc je profite bien du vent défavorable.

Anglure : 139 km - 14h15

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Anglure, moulin sur l'Aube


Il fait très chaud, il n'y a personne dehors, je pointe dans un bar. L'Aube est ici visible il y a un moulin avec des petites cascades et le bruit de l'eau rafraîchit un peu l'ambiance.

Je continue ma bagarre contre le vent, le relief devient plus prononcé à moins que je me fatigue, comment savoir ?

À Montier-en-Der, je pointe rapidement le BCN de la Haute Marne avant de repartir vers Wassy, où je compte dîner (et pointer).
La route devient plus ondulée mais reste rectiligne. Je suis dépassé par un essaim de dizaines de motos pendant un quart d'heure. Elles roulent tellement vite que je n'arrive pas à les compter.

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Église de Bailly le Franc

Wassy : 233 km - 20h00

C'est la grande fête dans le bourg, il y a des déviations partout.
Une bande de joyeux buveurs me propose un sandwich "grec" devant une baraque à frites mais je décline l'invitation. Je finis par trouver un restaurant "italien" sur la route de Saint-Dizier. Je mange bien en prenant mon temps. Comme souvent, ma tenue contraste avec celles des autres clients dont c'est la sortie hebdomadaire.

Je lève mon verre symboliquement à la moitié du parcours, même si je triche un peu. J'espère qu'avec la nuit, le relief et la forêt, j'en ai fini avec le vent défavorable.

À Rachecourt-sur-Marne, je traverse la Marne et un canal qu'un panneau nomme "canal entre Champagne et Bourgogne". Je m'arrête pour mettre le pyjama jaune sur le parking d'une usine Arcelor-Mittal, apparemment il en reste en activité.

De l'autre côté de la Marne, le décor change de suite, la route est au fond d'une vallée profonde, verte et sombre, et monte un long moment dans la forêt avant d'arriver sur un plateau.

J'entre en Lorraine et les côtes se font plus prononcées.
Je passe près du "laboratoire de l'ANDRA" (c'est ce qui est écrit sur les panneaux) à Bure, en fait le site pilote pour l'enfouissement des déchets nucléaires.

Je sens une vague de sommeil arriver, je cherche un endroit confortable pour une pause de micro-sommeil. A Daimville-Bertheléville, j'aperçois un abribus comme je les aime : large, presque fermé, une grande banquette en bois. Même le vélo entre !

Après une heure de sommeil, je repars sous un ciel magnifiquement étoilé, et je prends une petite route grimpant dans la forêt domaniale du Vau. Je ne tarde pas à voir quelques petits chevreuils qui broutent l'herbe haute entre l'orée et la route. La lumière du phare et l'absence de bruit les surprennent, ils s'immobilisent, me regardent avant de disparaître sous les arbres en deux ou trois sauts. Un peu plus loin, je vois un renard dans l'herbe, il me regarde, immobile, comme hypnotisé. Je pourrais le croire empaillé s'il ne disparaissait pas quand j'arrive trop près. Un peu plus tard, c'est encore des chevreuils dont je vois briller les yeux mais ceux-là restent prudemment cachés dans la forêt. Encore plus loin, un animal brun avec une queue touffue traverse la route devant moi, sans doute une martre.

Une bonne descente en sortie de forêt me ramène au niveau de la Meuse. Je suis tellement persuadé que la route passe par Domrémy-la-Pucelle que j'en prends la direction. Le GPS me signale mon erreur : en effet, le parcours passe juste au nord, à Greux. Il est de toute façon un peu tard (ou tôt c'est selon) pour pointer le BCN des Vosges. La côte de Maxey-sur-Meuse est raide mais elle me réchauffe car au bord de la Meuse il faisait très froid. J'entends des bruits de ruisseaux partout dans la montée, les Vosges sont vertes et ne semblent pas souffrir du manque d'eau qui affecte la plupart des régions.

Vézelise : 330 km - 4h30

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Château de Bayon sur la Moselle

Je vois, passe et repasse dans la vieille ville près des halles en bois qui datent du XVI ème siècle selon un panneau, mais je ne trouve pas la Poste. Je fais plusieurs rues mais je ne la trouve pas. J'entends une voiture qui s'arrête, je suis un peu méfiant, mais il ne s'agit pas d'un retour de discothèque mais d'un couple qui se lève tôt pour aller exposer à un vide grenier dans le bourg voisin et ils savent où est la Poste !

Je reprends ma route vers l'Est. Le joli château d'Haroué est dans le brouillard de l'aube. Un peu plus loin, la brume décore aussi la Moselle à Bayon.
La prochaine ville importante est Baccarat, les panneaux l'indiquent longtemps à l'avance mais j'ai l'impression que je ne progresse pas. Le soleil fait doucement monter la température : à Domptail, je fais une nouvelle pause sommeil de 30 minutes face au soleil levant. Je suis réveillé en sursaut par une horde mécanique à deux roues qui passe pendant 10 minutes dans le village.

Enfin Baccarat, au bord de la Meurthe, je passe devant la mairie style néo-flamand, et devant l'église en béton, style organisation Todt. Je ne parviens pas à trouver un bar satisfaisant, je ne vois qu'un salon de thé "chichiteux", je poursuis donc ma route et prends mon petit déjeuner à Raon-l'Étape, qui en l'occurrence porte bien son nom.

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Baccarat, au bord de la Meurthe
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Ruines à Pierre-Percée

Je remonte la vallée de la Plaine en direction du col du Donon et je décide d'aller pointer le BCN de la Meurthe et Moselle à Pierre-Percée. Cela monte bien jusqu'au barrage puis la route longe le lac. Après le pointage, je décide de profiter encore de la vue sur le lac en montant jusqu'à Badonviller, ça monte encore et je passe le col de la Vierge Clarisse. À Badonviller, je décide de redescendre dans la vallée par une autre route, mais il faut commencer par monter et je passe le col de Chapelotte avant une longue descente. Le petit diverticule pour aller pointer le BCN 54 commence à chiffrer : 2 cols et 22 km de plus, mais je ne suis pas pressé et il ne me reste que 80 km à faire.

La route s'élève doucement dans la vallée mais la circulation devient assez dense. A Raon-sur-Plaine la route tourne à droite et la pente est à 10% de suite. Le col du Donon est difficile à gérer quand on est fatigué : il est court (4-5 km) mais raide, il y a peu d'ombre (et il est 13h...) et de plus la route est très abîmée.

Col du Donon : 447 km - 13h15

Je décide que j'ai bien mérité une bière en haut, ce qui me donnera en plus l'occasion de pointer. J'essaie de trouver un endroit où poser mon vélo car il y a des motos partout.

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Enfin en haut

C'est l'heure de manger et je vois bien que le serveur fait la tête quand je lui dis que je veux juste boire. Quand je lui demande de tamponner ma carte, ça empire : il fait carrément une tête de garçon de café parisien, c'est dire !
Quand il revient, il a tamponné la carte à l'envers et il a griffonné un supplément de 0,50 EUR sur la note sortie de la caisse enregistreuse (pour l'encre du tampon ?)
A noter pour ceux qui roulent la nuit : il ne semble pas possible de pointer de nuit au col, je n'ai pas vu de boite aux lettres.

Quelques motards remontent sur leurs machines mais ne repartent pas : ils font un petit concours de pétarade, empoisonnant le repas de tous les clients en terrasse.

Je reprends la route, la descente vers Schirmeck est longue et agréable mais ensuite attention : la flèche ne descend pas directement la vallée de la Bruche jusqu'à Strasbourg, il y a une dernière bonne montée jusqu'à Grendelbruch. Récompense en haut : une belle vue et la satisfaction d'avoir monté un col de plus.

Obernai : 483 km - 15h15

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Obernai

Les maisons alsaciennes du centre-ville sont si propres que l'on se croirait dans un parc d'attraction. Je pointe dans un magasin de cartes postales. Sur la place, des dizaines de motos alignées, et c'est plutôt bruyant. Le commerçant me dit qu'il y a beaucoup de regroupements de motards de ce genre certains week-ends, qu'ils sont sympas mais que le bruit exaspère les touristes "standards" venus partager la douceur de vivre alsacienne. Dans les Vosges, où beaucoup de motards viennent faire des "runs" dans les cols, un maire a mis un panneau à l'entrée de sa commune : "Les Vosges c'est le bol d'air pas le Bol d'Or".

Cette fois les difficultés sont finies, la route est quasi plate jusqu'à Strasbourg même si l'approche des grandes villes n'est jamais le meilleur moment pour un cyclo.

krautergersheim

 

Je traverse Krautergersheim, capitale de la choucroute, puis des bourgs comme Breuschwickersheim et Oberschaeffolsheim, je me demande si dans la vie courante, les gens utilisent ces noms entiers ou s'ils usent d'abréviations.

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La gare de Strasbourg, style Zeppelin

Strasbourg : 521 km - 17h00


Je fais juste un petit tour dans la Petite France avant d'aller à la gare.

J'ai le compartiment vélo pour moi tout seul (12 places..) et je sens que je vais bien dormir jusqu'à Paris.

Quand on a passé une nuit sur le vélo, essayer de se rappeler de toutes les flèches de France dans l'ordre peut suffire à s'endormir, on a les moutons qu'on peut !

Bilan : "Souvenirs de l'Est, souvenirs qu'il me reste..." (Patricia Kaas)

Après deux ans de pratique régulière du vélo, je reste étonné que l'on puisse traverser la moitié de la France en un week-end avec juste deux roues l'une derrière l'autre et de la volonté au milieu.

Thierry Streiff


"Le Cyclotourisme, un art de vivre"