Patatras... Une idée reçue s’effondre: Claudine, réputée toujours à la bourre, est arrivée en avance avec Christian. 22 abeilles s'installent à l'hôtel Ibis en posant les voitures au parking voisin. Nous pouvons garder la tête haute, nous sommes dans la ville haute, pas dans la basse-cour avec la vulgate.
Vendredi, c’est le jour de la visite d'Amiens subventionnée par Picsou. C’est, finalement, la météo qui nous trahit, et ce dès Le début des visites. Une excellente guide nous guide (car que fait une guide si ce n'est nous guider ?) au départ de la cathédrale. On est tout en haut, dans le quartier cossu de la cathédrale et des chanoines et à coté d’un bistrot qui a l’air classe et sympa, mais vide et mouillé. Amiens comportait 20 000 habitants à l'époque Romaine: bien plus que la Lutèce d’Astérix. Il y a 6 cathédrales dans la région. La guide nous présente la cathédrale d'ici: championne du gothique. Ne pas visiter Amiens pour ses vitraux, presque tous cassés, mais le faire pour la statuaire.
Descente [aux enfers], par les jardins de l'évêché transformés en école de commerce. Nous voilà dans la ville basse, tous les cafés sont occupés et semblent animés. Visite, au moyen de deux bateaux électriques, dans le froid et avec encore plus de pluie, des hortillonnages. La vocation horticole des hortillonnages finit de se terminer, remplacée par une utilisation « week-end » de ces mêmes parcelles: on implante une cabane du fond de jardin de 20 m2 maxi. Pas d’eau, pas de courant, pas de fosse septique. On consacre tous ses week-end à combattre la poussée de la végétation dans cet environnement de marécages. Magnifique, et on peut se payer des parcelles pour un prix de rave cuite: pas cher, il y en a à l'étalage. On finit cette visite en bateau comme les poissons chez Findus: gelés, surgelés, même. On boit un pot à l’abri de la pluie pour attendre l'heure du Dîner, qui n'en finit pas de venir à 19h30. 19h30 arrive enfin, c’est du cochon, comme du schweinhaxe mais non grillé. Excellent.
Réveil 7h15, Ptidej 8 h, Départ 9h et des brouettes. Le groupe met un temps infini à quitter la ville, entouré d'une circulation forte et un tantinet hostile aux vélos. Le plan est d'atteindre Naours (BPF 80) après 1h30 pour 15 km. Ça devrait être faisable... On y parvient, malheureusement sans pause café. La rareté des pauses café, qui donne tant de valeur aux rares pauses café qu’on parvient à voler à l'organisateur attentif, est une marque de fabrique des organisations « Petits Piots ». Des jeunes Abeilles, du moins si elles n’ont pas oublié ce matin de prendre leurs cartons de pointage tout neufs, étrennent là leurs premiers pointages BPF, BCN ou les deux. Sniff... C’est un moment toujours émouvant, comme une intronisation.
À Naours, visite de la cité souterraine, humide et souvent semblable à ses équivalents en Cappadoce, ou, pour ses défenses, aux poternes des châteaux forts médiévaux. Il y fait froid et humide: 9° toute l'année. Je dirais même plus: très froid et très humide. Il n'y a pas d'électricité et on s’y éclaire à la lampe à huile. Il n'y a donc pas d'autre éclairage que celui mis en place pour les touristes. Café en sortant, avec l'exceptionnelle complicité, appréciée, d’Annick. Du coup, les vélos partiront avant moi et je suivrai (et me tromperai de chemin) 5’ plus tard.
À Wargnies et à la sortie d'Havanas, je me trompe deux fois de route. Mr. Garmin, complice de l'organisateur, ne pipe pas mot et j'arrive étonné à Canaples. À gauche, il me faut monter en haut de la côte vers Vignacourt où les Abeilles sont affairées à faire les courses. Une excellente charcuterie, qui propose un quarteron de préparations cuisinées appétissantes. Surtout, il est tard et il fait faim. En vertu du théorème qui dit que le volume des courses s'accroit en proportion de l'heure qu'il est quand on les fait, les course sont pléthoriques.
Route vers Flixecourt, lieu d'un pique-nique Champêtre. Deux tables sont disponibles sous un soleil qui cogne dur pour la saison. On se serre, mais de sieste, Walou. Le ciel se charge, il est temps d'enfiler préventivement le cuissard Gore-Tex. Cela se révélera utile une heure plus tard. Retour par les chemins de halage (1) de descente de la Nièvre, puis (2) de remontée de la Somme vers Amiens.
79 km avec le détour. Cela demeure modéré. Demain, il y en aura plus, mais encore beaucoup de chemin de halage plat comme l'Euroveloroute 6, mais en graviers.
A l'arrivée, direction bistrot pour une bière. Une faction contestataire, pour tout ce qui est "Contre" et contre tout ce qui est "Pour", se forme dès que la silhouette du café se dessine. Dany trouve un bistrot, qui fait aussi friterie -un luxe presque indécent- on l'abandonne derechef. Victoire par KO (1 à 0) à la faction contestataire.
Ensuite, on galère une heure à se faire servir des bières pression, chères mais bonnes (bonnes-chères), à l'hôtel. Le temps le permet largement, tout est donc pour le mieux. Ensuite il faut payer, c'est plus dur mais ça s'arrange aussi. Demain, on verra dans un bar que l’excellente bière « Chti » est arrivée jusqu’à Amiens.
Ce soir à 19h30, dîner à La Dent Creuse. Maroille au menu, mais pas dans nos assiettes. Au soleil couchant (car il fait nuit à 20h30), le fronton de la cathédrale est spectaculaire, avec un relief saisissant. A 22h45, il fait bien nuit de chez Nuit, les lumières de la ville sont éteintes pour un spectacle polychromie coûteux mais gratuit sur la façade de la cathédrale. Spectacle grandiôse. Nous étions en bande au premier rang, couchés, sur nos dos raides comme du bois, sur le dallage rugueux et dur comme de la pierre de cathédrale. C'est d'ailleurs de la pierre, justement, ce dallage. La dernière vue de la cathédrale rivalise avec celle du soleil couchant: avec les couleurs du 15° siècle: c'est bluffant et donne envie de repeindre les statues et de repeidre son vélo des mêmes couleurs. Ceci nous a amenés, de fil en aiguille, car les Abeilles sont philosophes, à philosopher sur les vertus de tel ou tel matelas autogonflant de camping: long de 1,85 m et dodu pour les sybarites ou court de 1,65 m seulement et squelettique pour les ascètes. Ensuite, après plus de 30' en position horizontale, le jeu était de se redresser, se remettre debout, en moins de cinq longues minutes. Ensuite, pour certains, feu d'artifice. L'histoire ne dit pas ce qui s'est passé de chaud ensuite. Les témoins ont respecté l'omerta.
Demain, lever une heure avant (6h15) pour Ptidej à 7h00 et départ à 8h00. Beaucoup feront une approche voiture.
Lever de bagnards, à 6h15, ptidej à 7h00. Toutes les Abeilles sont là et remplissent deux fois la salle, tant elles sont nombreuses, de leur inimitable bruit de mandibules. C’est la polka des mandibules. Peu de volontaires, ensuite, pour le parcours nominal de 95 km. La majorité invoquera la circulation retour, ou autre prétexte pourave, pour faire une approche voiture.
Pourtant, exclusivement pour le nominal, la sortie d’Amiens par la voie sur berge au petit matin est exceptionnelle: une lumière de petit jour avec des brumes tremblotantes au-dessus de l’eau de la Somme. Tremblotantes, comme nous qui claquons du bec sur nos vélos. Au premier point de rendez-vous avec les Abeilles de la plus petite des approches voiture, pas d’Abeilles: tous déjà partis. Alors on roule, dans une ambiance de raid sur gravier. Jean Alési, spécialiste des graviers manque à l’appel. En traversant la Somme, on rencontre un collègue cyclo d’un age certain. Le soleil a percé les filoches de brume et la chaleur revient dans nos doigts engourdis: un court aperçu du bonheur éternel. Non, pas un cimetière, un magnifique bistro, juste à notre gauche, illuminé, enthousiasmé même, du soleil matinal. Il nous sourit, ses petits bras de bistrot écartés. Notre copain cyclo s’y arrête, lui. Nous, pas.
À Chipilly, on abandonne la Somme pour remonter droit dans la pente sur le plateau. Il fait maintenant chaud.
À Bray sur Somme, BPF (80), le café est autorisé. Youpi ! Nos jeunes Abeilles (sauf mal au genou de Loïc) étrennent là leur second pointage de BPF, et dans la joie, avec un piti café !!!
Ensuite, le groupe du nominal s’évapore: il est réduit à trois devant: Claudine qui nous mène un train d’enfer digne d’un Levallois-Honfleur, Michel qui suit car il a voulu m’accompagner pointer mon BPF de Pozières, et votre serviteur, qui a cru devoir accompagner Michel dans son pointage de son BPF de Pozières. En dépit du train d’enfer que nous nous infligeons, nous sommes marqués de près par Guy, suivi de près par Laurence et Marc. Personne n’ira pointer chez le restaurateur de Dany dont le tampon fut cassé par un groupe de 40 cyclo (c’est l’histoire d’Ali Baba et les 40 cyclos). Laurence témoigne que le tampon est bien cassé, en trois morceaux. Alors, photo pour Laurence. Ni Michel ni moi ne pointons: nous avions déjà pointé Pozières.
De là, on va à Albert par la route qui passe par le cimetière de Hécourt, dans une côte à 5 chevrons dont seules 4 Abeilles triomphent, et encore, parfois en invoquant « l’honneur du pied ». La carte Michelin prétendument neuve de Dany ignore ces chevrons vengeurs. La côte a du pousser pendant la nuit.
Enfin, c’est l’heure de manger à Albert, toujours sans Maroille mais avec de la Carbonade Flamande comme à Bruges (car, ne l'oublions pas, le Waterzoi, c’est de Gand). Café pris, chacun vaque à ses occupations. La bar sert à la pression de la bière « Chti », comme à Bergues, mais ce n’est malheureusement pas l’heure de la bière. Certains reprennent leur voiture, certains, peut être pour éviter discrètement le vélo sans toutefois le fâcher, vont à la cathédrale ou au musée de la bataille de la Somme. Cinq survivants repartent vers Amiens. Nous abandonnerons Bernard à Daours (mais que fait donc Bernard à Daours ?) et finirons: qui au parking à voitures, qui à la finale de joutes aquatiques, qui à l’hôtel pour y reprendre nos affaires. 95 km, c’était la promesse de Dany. Promesse tenue.
C’est l’heure du retour vers Paris. Bravo aux petits Piots pour ce Week-end Abeille remuant, mené à quatre mains, de mandibule de maître.
Jean-Pierre
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |
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