Le 26 août 1346 à la bataille de Crécy, les preux Chevaliers français sous les ordres de Philippe VI de Valois étaient piteusement défaits. Les archers anglais faisaient des cartons sur les chevaliers français empêtrés dans leurs lourdes armures. Les chevaux s'enlisaient dans le sol détrempé. Et nous, environ 25 petites abeilles, le samedi 9 novembre 2002 (656 ans après Crécy) aux aurores, nous enfourchons nos destriers sous un ciel moutonneux après une journée et une nuit particulièrement pluvieuses. Mais cette fois, nous sommes conduits par un chef en jupon, de la taille de Napoléon qui sait qu'après la pluie, vient le beau temps. Nous roulerons toute la journée sans une goutte de pluie avec même un rayon de soleil au moment du pique-nique. Bravo Catherine !
À quelques km du Crotoy, à Morlay-les-Ponthoile, le gîte est une ancienne ferme dont quelques bâtiments ont été aménagés en dortoirs de 6 ou 7 lits avec deux salles plus grandes au rez-de-chaussée pouvant servir pour les repas. Pour la plupart, nous sommes arrivés la veille après un voyage souvent éprouvant pour sortir de la couronne parisienne. Ceux qui ont eu le courage, comme Jean et Anne-Marie, de se lever tôt et de voyager samedi matin ont pu faire la route en deux heures au lieu du double la veille. Au total, nous seront une trentaine dont 4 enfants et parmi eux, un jeune tandémiste, Johan, le petit fils de Guy.
En quittant le gîte, nous roulons vers le nord-est. Nous traversons des villages peuplés d'oies et de canards. L'eau est présente partout, les fossés sont pleins et elle déborde souvent dans les prés. C'est dans ce cadre bucolique que Jean Truffy crève et occasionne une pause pour quelques uns. Après Nouvion-en-Ponthieu, nous traversons la forêt de Crécy en direction de l'abbaye de Valloires. Fondée au XIIe siècle par les moines de Citeaux, elle fut reconstruite au XVIIIe. Nous n'irons pas la visiter mais au magasin de souvenirs où nous pointons nos BPF, nous pouvons apercevoir les bâtiments et les jardins entretenus par un pépiniériste renommé. Ces derniers constituent une collection de plantes et de végétaux de référence.
Après la petite pause café, nous roulons vers le sud-est en suivant la vallée de l'Authie sur une dizaine de km. A Dompierre, nous quittons la vallée pour revenir vers Crécy-en-Ponthieu. Un peu avant de pénétrer dans le village, au lieu-dit "le Moulin d'Édouard VII" en souvenir de l'endroit où le roi d'Angleterre suivait la bataille, une tour en bois domine la région. Nous nous installons sur une petite aire de pique-nique au pied de cette tour. C'est alors que le soleil fait son apparition. «a sera notre apéritif !» dès qu'il se cache la température se rafraîchit et nous ne nous attardons pas après le repas, tout le monde va au bistrot pour prendre un café.
Nous poursuivons ensuite notre route vers le sud-ouest et roulons à nouveau dans la forêt de Crécy. Une horde de sangliers traverse la route quelques mètres devant le tandem, ils foncent droit devant eux et je préfère freiner pour ne pas être sur leur trajectoire comme la voiture de Jojo et Marie-Louise l'an dernier en Bourgogne.
A la sortie de la forêt, dans le groupe de tête, nous sommes quelques uns à cafouiller un peu avant de retrouver la bonne route, ce qui fait dire à Jean-Pierre que, pour être en tête, il suffit de suivre Catherine qui connaît bien le "nominal"... Après Port-le-Grand, nous empruntons le chemin de halage du canal de la Somme. C'est au tour du tandem Courmont de crever, à l'arrière bien sûr... Un peu avant St Valéry, nous avons la chance de rencontrer l'un des trois troupeaux de moutons de la région composé d'un millier de têtes noires, des Suffolks nous indique le berger. Ils broutent souvent dans les prés salés ce qui donne à leur viande un goût très prisé. C'est là que notre groupe se scinde en deux, la majorité rentre directement au gîte tandis que 7 irréductibles continuent vers Le Hourdel, encore un BPF. De loin, nous nous orientons sur le phare et c'est là que nous rencontrons notre guide, Sébastien, qui nous emmènera voir les phoques que l'on aperçoit à marée basse sur un banc de sable à quelques centaines de mètres de la rive. C'est la colonie la plus importante et la plus au sud de la France, elle se compose de 120 individus environ. L'un d'entre eux nage à proximité de nous et nous fait pousser des cris d'excitation chaque fois qu'il passe la tête hors de l'eau.
Lorsque le spectacle est terminé, la nuit commence à tomber. Ceux qui sont venus en voiture repartent de même et les inconditionnels du vélo feront les 16 km qui les séparent du gîte avec quelques éclairages mais heureusement sur des pistes cyclables. Ce sont les phares d'une voiture qui permettront à Pascal d'apercevoir la pancarte annonçant le village de Morlay car dans notre élan, nous allions au Crotoy...
Il est 18h30 quand nous arrivons au gîte. Les compteurs indiquent 110 km pour la journée, ça mérite une bonne douche et un bon repas agrémenté par quelques bonnes histoires de Claude Sauvage.
Tout le monde s'est couché vers 22h et ce matin, il n'y a pas de retard au démarrage. Hier soir René et Catherine ont préparé le plan logistique de la journée : 6 voitures partent vers 8h30 à St Valéry, aboutissement de l'étape de la matinée. Nous les chargeons des affaires de rechange. Les 5 autres voitures emmènent les randonneurs au Crotoy où le RV est fixé à 9h30 avec le guide. Il pleuvine, nous sommes tous en bottes et en cape pour traverser la baie à marée basse mais l'eau, qui est tombée, détrempe les terres émergées et les petits chenaux sont très envasés. L'eau passe souvent au dessus de la tige des bottes, certains s'enlisent et retirent le pied sans la chaussure, d'autres glissent sur le derrière voire sur le ventre... Les enfants passent des frissons à l'excitation. Bref, heureusement que l'eau est partout présente pour effectuer un nettoyage rapide. Les vêtements de rechange seront bienvenus !
Nous découvrons grâce aux commentaires du guide la faune ornithologique. Plus de 300 espèces d'oiseaux fréquentent la baie de la Somme soit de manière sédentaire soit pendant leur migration. Nous observons également la flore sur les mollières et sur les bancs de sable immergés à chaque marée. Soit par négligence ou ignorance, soit de façon naturelle et inéluctable, l'ensablement s'étend d'année en année et de façon assez rapide. Actuellement, près de 3500 hectares sont des bancs de sable ou des mollières. Jadis, Abbeville, à une quinzaine de km à l'intérieur des terres et Rue à 7 ou 8 km, étaient des ports. Notre guide nous indique l'ancienne plage où il venait se baigner enfant, c'est maintenant un banc de sable. Les espaces conquis sur la mer sont couverts de différentes variétés de plantes : salicornes, choux marins, argousiers, spartine, herbe tubulaire. Cette dernière, qui constitue les prés salés, est appréciée des moutons et par une variété de canards. Notre promenade, nous permet de jeter un coup d'œil sur des huttes flottantes installées sur le domaine maritime et louées par les chasseurs de gibier d'eau. Au Crotoy, en longeant l'embouchure de la Somme, nous apercevons encore deux phoques qui se laissent couler au fil de l'eau.
Nous retrouvons avec plaisir les voitures avec nos affaires et chaussures de rechange sèches. En route pour le restaurant, "le Kiosque". Au menu, la dégustation de moules frites, abondamment servies. Nous avons chacun notre petit chaudron de moules et des frites à gogo ... Le pied ! sec !
L'après-midi est essentiellement consacrée à l'observation de la faune ornithologique dans le Hâble d'Ault. Nous faisons la connaissance des Grèbes avec leur jabot blanc, ceux-ci sont d'admirables plongeurs, des cormorans dont le plumage n'est pas imperméable et qui se sèchent au soleil, des bécasseaux, des sarcelles, des canards siffleurs et des colverts, quelques cygnes, des foulques etc... Malheureusement en fin d'après-midi la pluie nous surprend, un peu avant la fin de la visite, et nous sommes à nouveau trempés avant d'arriver aux voitures pour rentrer au gîte.
Une douche et un bon et copieux repas avec navarin et glace maison au dessert nous remettent en forme. Claude, qui n'a pas oublié son petit carnet de bonnes histoires, épuise son stock, certaines méninges fatiguées semblent un peu saturées, mais ce sont les enfants qui en redemandent... Avant 22h30 tout le monde est au lit. Dehors, il pleut !
Notre chambrée, très sérieuse car nous avons les organisateurs, se lève à 7h. Après le petit-déjeuner le ballet des voitures s'organise comme la veille soit vers St Quentin-en-Tourmont soit vers le parking de la Maye à " le Bout des crocs". Carole, notre hôtesse, a préparé autant de paquets pique-nique que de participants. Au moment de partir, un paquet reste sur la table. Claude, qui a toujours le mot pour rire, lance à la cantonade, c'est le paquet de Jean-Pierre. Tout le monde éclate de rire. Dehors, l'intéressé vaque à ses affaires, lesquelles ? C'est bien lui qui n'a pas encore pris son picotin. Pendant ce temps, René peste et met sous pression Catherine et quelques autres, il est absolument sûr d'avoir rangé ses 2 semelles orthopédiques dans ses chaussures de marche et il n'en retrouve qu'une. On cherche partout dans le hall d'entrée où séchaient les chaussures, point de semelles, tant pis, il se chausse et... retrouve sa semelle dans sa botte...
Finalement tout le monde prend place dans les véhicules et un long cortège quitte le gîte en direction de la réserve naturelle de la Somme. Le ciel est gris mais il ne pleut pas. Un premier lot de voitures stationne à St Quentin et tout le monde se tasse dans l'autre lot de véhicules qui se rend au parking de la Maye à l'entrée du sentier des bergers. En arrivant, un rumeur circule, Jean-Pierre aurait oublié son sac à dos avec son pique-nique. Même Christian prend la nouvelle pour une plaisanterie ! Mais la nouvelle est confirmée !
Nous retrouvons Sébastien, notre guide qui nous propose le programme de la journée : découverte du Domaine du Marquenterre. Nous marcherons une dizaine de km sur la plage pour observer les oiseaux soit côté mer soit côté étang. Nous pouvons voir ainsi des oies cendrées, des foulques, différentes espèces de canards, des foligules, des sarcelles, des cigognes, des vanneaux. Nous ne sommes pas tout à fait les seuls à profiter de ces immensités un peu vides, des cavaliers galopent au bord de l'eau et des conchyliculteurs rentrent sur leur tracteur. Nous pourrons voir les bouchots qui se découvrent à marée basse. La mer s'ourle de quelques crêtes blanches et, au loin, on aperçoit la pointe du Hourdel et les nuages qui se confondent avec l'eau à l'horizon.
Nous avançons avec le vent de face. Nous essuierons quelques petites ondées au cours de la matinée en alternance avec de timides rayons de soleil ce qui nous donnera l'occasion de voir un arc en ciel. Nous observons avec envie l'évolution de chars à voile soit classiques soit tirés par un cerf-volant.
Notre groupe s'effiloche sur la plage, nous n'avons pas l'impression d'avancer, nous sommes redevenus fourmis. Finalement Sébastien nous fait franchir la barres de dunes et nous pénétrons dans un immense bois de pins plantés par la main de l'homme pour fixer le sable.
La marche a creusé l'appétit, heureusement les provisions sont abondantes et permettront de nourrir tout le monde y compris Jean-Pierre qui en redistribuera !
Il fait un peu frais pour s'attarder à faire la sieste, nous redémarrons pour arriver aux voitures après une demi heure de marche. Margot et Jacqueline qui avaient un peu d'appréhension pour cette balade sont toutes surprises d'arriver un peu fatiguées mais en forme et prêtes à recommencer à la prochaine occasion. Maria qui assistait pour la première fois à un WE du club nous fera part au retour de son étonnement devant les performances modestes mais sportives des abeilles. Pourtant, il y a beaucoup de petits handicaps dans le groupe : un genou qui fait mal, une sciatique en cours de traitement, un pied pas tout à fait réparé qui n'assure pas toujours à 100% etc... mais la meilleurs façon de marcher qui doit être la nôtre, c'est de mettre un pied devant l'autre sans s'arrêter de tchatcher.
Nous voilà donc au parking où se trouve le premier lot de voitures. Comme ça fait plaisir de s'asseoir sur un siège. Quelques chauffeurs vont rechercher les véhicules laissés au départ de la marche et nous nous retrouvons tous au gîte pour charger les vélos et les bagages, c'est déjà fini !
Avant de se séparer, Catherine et René ont prévu une petite collation : du cidre et des gâteaux avant de reprendre la route. C'est toujours avec regret que l'on se quitte après un séjour comme celui-là, c'est pourquoi, il ne faut pas s'éterniser. D'ailleurs en se séparant, on évoque les projets de revoyure. Merci Catherine et René, vous avez eu une bonne idée de venir passer un WE de char à voile ici il y a quelques mois. Vous nous avez ainsi fait redécouvrir une région magnifique et Sébastien, le guide que vous avez choisi, a su nous la faire aimer.
Henri COURMONT
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |
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