Flèche Paris-Montbéliard-Belfort |
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Du 18 au 25 septembre 2002 |
"Il faisait beau, on chantait faux, mon pote Jean-Jean était très fier de son vélo, il pédalait, on le suivait, quand parfois il se trompait, on l'engueulait…" voilà les paroles de la chanson de l'inénarrable Claude Sauvage, et ça ne fait que commencer.
Notre petit groupe est composé de 7 abeilles : Claude Vetel l'organisateur en chef, Jean Pelchat l'organisateur en second, Bernadette qui prend goût aux flèches, Claude Sauvage, le bout en train pour qui le vélo est source d'inspiration de bonnes histoires et de composition de chansons, Réjane une habituée des flèches et des pelotons abeille, Jean-Maurice, calme et flegmatique qui applique à le lettre le proverbe chinois "parle si tu as quelque chose à dire qui est plus beau que le silence" et moi à qui on a confié le rôle de scribouillard. Je vais donc suivre ce peloton pour rendre compte des faits et gestes de chacun au cours de ce périple.
Tout le monde s'est levé tôt ce matin pour prendre le RER vers 6h15 ou 6h30 et un peu après 7h nous nous sommes tous retrouvés au café en face de la gare de Boissy-St-Léger. Après avoir pris un jus accompagné d'un croissant ou d'une chocolatine pour quelques gourmands, nous prenons la N19 en direction de Brie-Comte-Robert. La circulation est dense et nous devons rouler en file indienne dans le bruit et la pollution. Nous tâtonnons un peu avant Brie-Comte-Robert et, c'est un peu avant 10h, que nous quittons la nationale pour des routes plus tranquilles vers Soignolles-en-Brie. Il fait beau, la circulation est plus calme, nous pouvons rouler à deux de front, c'est le pied !
Nous admirons en passant le château moyenâgeux de Blandy, un BPF que tout le monde a déjà pointé. C'est mercredi, l'épicerie et la boulangerie sont fermées. Nous devons poursuivre jusqu'à Chatelet-en-Brie où nous trouvons ce qu'il faut pour le pique-nique. Nous nous installons au bord d'une pièce d'eau où des ragondins et des canards évoluent sans crainte de notre présence. L'endroit est tellement agréable que certains proposent de passer quelques jours ici tandis qu'un volontaire ferait la flèche pour enregistrer les pointages…
Avant de reprendre la route, nous prenons un café au centre du village. Nous apprenons que c'est dans cet établissement qu'en 1997, un joueur du loto a gagné 12 millions. Il n'a plus donné de ses nouvelles ensuite.
Nous roulons une bonne partie de l'après-midi en forêt, sur une route toute droite, plate, voire monotone jusqu'à Donnemarie. Claude Sauvage pointe son BCN et Jean nous embarque sur le périphérique de Donnemarie pour rejoindre la route de Bray-sur-Seine. Là nous longeons la Seine jusqu'à la ferme de Toussac où nous sommes accueillis par une hôtesse chaleureuse qui nous offre le thé avec quelques tranches de gâteau. Nous faisons ainsi connaissance sur la terrasse dans une grande cour de ferme. Son mari exploite 150 hectares. Il cultive du blé, des betteraves et des pommes de terre. Madame s'occupe surtout des chambres d'hôtes et d'un gîte pouvant ainsi accueillir 25 personnes. Le WE dernier était réservé à des stagiaires de méditation tibétaine que l'hôtesse pratique également.
Nous disposons de trois chambres, une pour 4 personnes, une pour un couple et une pour une seule personne, c'est là que Réjane s'installera. Le dîner est prévu pour 19h30. L'hôtesse nous propose des mets originaux : en apéritif, vin de noix et de l'épine (vin avec de l'épine de prunelle verte) puis, pâté de carottes, de pois écrasés et crème au dessert. Tout cela est délicieux et accompagné d'histoires drôles de Claude S qui nous font rire aux larmes. Heureusement, car pendant un certain temps les sujets de conversation tournaient autour de l'euthanasie, de la maladie d'Alzheimer et autres maux du même genre.
La ferme de Toussac est situé à la limite des départements de la Seine et Marne, de l'Yonne et de l'Aube. Aujourd'hui nous passerons notre journée dans l'Aube. Ce matin au petit-déjeuner, nous avons pris peur, la pluie s'est mise à tomber et le ciel était très bouché. Heureusement, ce n'était qu'une averse mais nous apercevons à peine le soleil au milieu des nuages au cours de la matinée et pour le reste de la journée, le ciel reste gris avec une chaleur moite. Nous roulons dans un pays plat, sur des routes monotones avec des villages aussi parsemés que des oasis dans le désert mais, le comble, du jamais vu de mémoire d'abeille, c'est de rouler des dizaines de km, de traverser plusieurs villages 5 ou 6, et de ne pas trouver un seul café, non qu'ils soient fermés pour cause de grève ou de congé mais il n'y en a pas ! C'est une région à recommander pour les ivrognes en cure de désintoxication. Mais un village sans café, c'est comme un corps sans vie, une momie !
Vers 11h30, nous faisons nos courses à Marcilly-le-Hayer dans une petite supérette Casino. Le patron se plaint que trop peu de gens du village viennent s'approvisionner chez lui, ils préfèrent aller en ville mais ils se plaindront et manifesteront si ce magasin ferme un jour. Un peu plus loin, dans un petit village où nous faisons une pause, des passants nous accostent : d'où venez-vous ? Où allez-vous ? Les questions habituelles et c'est ainsi que l'on apprend que leur fille vit à Rueil, dans le centre ville près du magasin ED et le monsieur connaît bien la famille Voyeux Marcel et Jocelyne. Il aurait fait les peintures chez eux au début des années 80. Le monde est petit !
Vers 12h20, à Dierrey-St-Pierre, nous trouvons une pelouse fraîchement tondue, derrière le monument aux morts, c'est accueillant pour le pique-nique et pour faire une petite sieste. Cependant, le temps orageux accompagné de nombreuses petites mouches rend la sieste inconfortable. Nous quittons ce village sans café en direction de Grange-l'Evêque, à 10 km, sans une maison ni un village à l'horizon. On a l'impression d'évoluer dans le Middle Est américain avec d'immenses champs, un paysage relativement plat et une très faible densité de population.
A Montgueux, BPF bien connu pour son champagne nous allons rendre visite à Etienne Doué, notre fournisseur habituel pour trouver un coup de tampon. Jean Pelchat en profite pour faire le tour du village dans l'espoir un peu vain de bénéficier d'une dégustation. Les vendangeurs sont en action ce qui nous donne l'occasion de prendre quelques photos des vignes de la colline exposée au sud. Les travailleurs saisonniers sont dans l'ensemble assez jeunes, de couleur variée, ils travaillent aux pièces ou à l'heure et viennent parfois en équipes constituées. Ici, les vendanges se font encore à la main et la main d'oeuvre est encore abondante.
A Sommeval, BPF sans commerce, je suis abordé par un automobiliste qui me demande si j'ai besoin d'un coup de tampon. C'est un agriculteur habitué au passage de cyclotouristes à la recherche d'un cachet. Il exploite 140 hectares, cultive du blé, des pommes de terre, du tournesol et du chanvre. Ce dernier est utilisé pour faire de l'aggloméré qui résiste à une température de 1000° et bientôt, on pourra fabriquer des parpaings. Il possède encore 40 bovins qu'il n'arrive pas à vendre même au prix de 16 F/kg au lieu de 20 F/kg un an auparavant. Précédemment, il y avait environ 400 bovins dans le village, aujourd'hui il en reste quelques dizaines.
Notre chambre d'hôte de Jeugny est à quelques km de Sommeval. Claude S et Jean-Maurice y sont allés directement sans faire le détour par Sommeval. C'est une ancienne petite ferme avec des murs à colombages en pisé. Le propriétaire a fait une grande partie des travaux de restauration lui-même. C'est lui qui nous reçoit et fait la cuisine. Sa cuisine est très propre et moderne. Il semble très avisé et c'est intéressant d'échanger avec lui. Il nous offre une boisson rafraîchissante lorsque nous arrivons : bière ou jus de pomme. La salle à manger et les chambres sont propres et fonctionnelles.
Au dîner notre hôte mange avec nous et partage les bonnes histoires belges ou autres de notre Claude S intarissable. Désormais, nombre de français rencontrés le long de notre route, connaîtront l'origine vendéenne du mot "mâchicoulis", de même ils sauront pourquoi ils n'ont pas reçu la lettre du Bon Dieu concernant le phénomène d'infidélité conjugale.
Tout le monde a bien dormi, il fait doux bien que le ciel soit un peu gris. Au cours de la journée, le soleil s'imposera et nous bénéficierons d'une très belle journée.
Au démarrage Claude S et Jean-Maurice qui ne sont pas atteints de la maladie de la tamponnite, partent vers le sud et gagnent Chaource par le route la plus directe à travers la forêt d'Aumont. Les autres se dirigent plein est en longeant la lisière nord de la forêt pour aller à Rumilly-les-Vaudes. Ils seront récompensés de leur effort car l'église St Martin de ce bourg vaut le détour et, en plus, elle est ouverte. Au bistrot où nous pointons, nous pouvons également admirer les modèles réduits, construits avec des allumettes par le patron. L'un de ces modèles, une belle église retient notre attention, c'est celle de Pargues et nous avons la chance qu'elle se trouve sur notre route quelques km plus loin.
Nous repartons vers le sud toujours à travers la forêt pour gagner Chaource. Nous sommes frappés de constater combien les bas côtés de la route en forêt sont labourés par les groins des sangliers qui cherchent des glands et des noisettes. Malheureusement, nous n'en verrons aucun sur notre route. Claude S et Jean-Maurice verront une biche sur la route à quelques dizaines de mètres devant eux.
A Chaource, nous retrouvons nos deux comparses installés depuis plus d'une heure à la terrasse d'un café au centre ville. Nous faisons un petit tour en vélo autour de l'église dont les porches sont couverts de bardeaux. Les maisons à colombages qui entourent la place sont parfois très bien restaurées et le centre ville, avec les rues piétonnes, est sympathique.
De Chaource, nous nous dirigeons vers le sud-est vers Pargues où nous marquons un petit arrêt pour admirer l'église que nous avons vue en modèle réduit. Elle est malheureusement fermée. Nous continuons à rouler dans la forêt et, quelques km plus loin, Jean-Maurice se rend compte qu'il a laissé son casque à côté de l'église. Il fait demi-tour tandis que nous continuons vers Riceys car d'après les informations que nous avons recueillies, il n'y a ni magasin d'alimentation, ni restaurant avant ce bourg.
A Bagneux-la-Fosse, nous retrouvons des vignobles et des équipes de vendangeurs au travail. Aux Riceys, lorsque les derniers du groupe arrivent, il est presque 13h et il faut prendre une décision rapidement et choisir entre le pique-nique et le restaurant. Un brave homme nous renseigne sur les commerces du bourg et se propose de téléphoner au restaurant pour vérifier s'il peut nous recevoir. La petite épicerie ferme à 13h. Le restaurant peut nous accueillir. Nous optons pour ce dernier, un bel établissement, inscrit aux logis de France. Au moment où nous arrivons, un couple de cyclistes se joint à nous. Ils sont américains, viennent de Floride, il a 62 ans et sa femme 59. Ils ont loué une voiture et des vélos à Paris et visitent la région depuis plusieurs jours. Demain, ils reprennent l'avion pour la Floride. Nous échangeons quelques informations sur le vélo et leur laissons un petit guide des BPF. Nous échangeons nos adresses internet car ils souhaiteraient venir visiter le Périgord la prochaine fois. Précédemment, ils ont visité ainsi la Bourgogne, la Bretagne et la Normandie.
Nous repartons ensuite vers le sud, la route est plate et tranquille. Nous roulons dans une vallée et le soleil est franchement de la partie. Heureusement que Claude Vétel regarde la carte, sinon nous oublions d'obliquer à gauche vers Chatillon-sur-Seine. Avant d'y arriver, Bernadette et moi faisons un petit diverticule : une belle petite église domine la région, perchée sur un promontoire, chiche si on y allait. Aussitôt dit aussitôt fait, au sommet la pente est tellement raide que nous devons terminer à pied. Mais là-haut quelle vue et quelle tranquillité !
Nous rejoignons les copains qui nous attendent à l'entrée de Chatillon-sur-Seine. Nouvelle séance de pointage dans un bar. Avec Jean, nous allons au musée pour avoir un beau tampon. Les hôtesses sont accueillantes mais les tampons assez quelconques. Jean me recommande une visite à la source de la Douix. En fait, c'est une résurgence mais les explications affichées sur place laissent planer un peu de mystère sur l'origine de ces eaux claires. L'endroit est très romantique.
Nous repartons vers l'est. La route est toujours agréable et bien roulante. Nous n'avons plus que 14 km pour terminer l'étape à Voulaines-les-Templiers dans un hôtel "la forestière", un peu à l'écart du bourg et en bordure de la forêt. Encore un logis de France fréquenté par des hollandais avec leurs vélos sur le toit de la voiture.
Hier soir, nous avons un peu prolongé la soirée avec la patronne après le repas. Elle a acheté cette bâtisse, en très mauvais état, en 1964. Le dernier occupant était un vieux médecin en retraite. Son fils tenait la scierie mais il a fait faillite après avoir divorcé. Le mari de la patronne était négociant en bestiaux. Ils ont revendu le café tabac restaurant qu'ils exploitaient au centre du bourg pour venir s'installer ici et ne faire que l'hôtel. Maintenant, elle aimerait bien passer la main mais jusqu'à présent la bonne occasion ne s'est pas présentée.
Le petit-déjeuner est servi dans la salle à manger à 7h45 et à 8h20, notre petite troupe démarre dans la brume et la fraîcheur. Le cygne au milieu de la pièce d'eau se réveille. A proximité, une grande cheminée rappelle qu'existait ici une usine de charbon de bois au début du siècle puis une scierie.
Nous roulons dans la forêt vers Faverolles-lès-Lucey puis Gurgy-la-ville et Rouvres-sur-Aube. Lorsque nous entrons dans ce village, une voiture s'arrête à notre niveau et le chauffeur demande gentiment d'où nous venons et si nous avons besoin de quelques chose : c'est le Maire. Il se propose de pointer nos BPF avec le cachet de la mairie. C'est un village d'une centaine d'habitants, le maire est jeune et entreprenant, il anime le village et les villages voisins avec une équipe de foot qui comprend une soixantaine de licenciés. Nous invitons Monsieur le Maire à prendre un café avec nous au bistrot en face de la mairie. C'est également une commune qui bénéficie des revenus de ses 400 hectares de bois ce qui allège d'autant les impôts locaux.
Nous roulons à nouveau sur une petite route tranquille dans la forêt. Le soleil a chassé les nuages et le ciel est bleu comme en plein été. Heureusement le vent de nord-est nous apporte un peu de fraîcheur. La route, agréablement vallonnée, nous fait traverser Rochetaillée puis Voisines et Perrancey avant d'atteindre Langres vers 12h30. Cette ville est vraiment perchée sur un plateau et les montées successives ont un peu éprouvé notre troupe. Nous sommes heureux de trouver à l'entrée de la ville un SM Intermarché encore ouvert à cette heure, parce que c'est samedi, pour faire nos courses de ravitaillement. En sortant du magasin, nous n'avons nulle envie de remonter sur le vélo pour chercher l'endroit idéal pour le pique-nique. La bande herbeuse derrière le SM qui, selon les appréciation, est près des poubelles pour certains mais en face des remparts de Langres pour d'autres, nous convient tout à fait. Il fait un temps superbe et nous pouvons nous étendre comme des lézards repus après le repas.
Claude V bat le rappel vers 14h car la visite de la ville et de ses remparts s'impose avant de poursuivre notre route vers l'est. Il nous faut grimper à nouveau pour atteindre ces remparts d'où nous avons une vue splendide sur les environs de la ville. Le pointage se fera dans un café en centre ville près de la statue de Diderot natif d'ici. Pour repartir, nous tâtonnons un peu pour trouver la bonne sortie de la ville en direction de Chalindrey. La route départementale que nous empruntons est assez fréquentée mais très roulante. Les vallonnements sont plus doux que ce matin. De Chalindrey, nous allons vers Grenant par une belle route forestière. Nous notons que les abris des cantonniers qui jalonnent la route sont en très bon état, chacun avec sa petite cheminée et une relative propreté à l'intérieur. En cas de pluie ou de tempête de neige, ils peuvent être très utiles.
A l'entrée de Grenant, nous partons à droite vers le sud pour traverser Coublanc puis Leffond avant d'atteindre Champlitte, le terme de notre étape aujourd'hui. Sur les derniers km Claude S s'éclate et s'envole en tête du peloton en haut des côtes, même Bernadette a du mal à s'accrocher… Sa potion magique provient certainement du morceau de gruyère de Paulette qu'il a retrouvé ce midi au fond de son sac.
Avant de nous installer à l'hôtel, nous prenons un pot à la terrasse d'un café en face du château musée départemental d'art et traditions populaires.
L'hôtel est géré par un jeune couple qui nous accueille très aimablement. La patronne porte dans les bras un bébé de 5 ou 6 mois. La salle à manger est installée dans une cave voûtée au sous-sol. Nous apprendrons qu'une autre cycliste de la FFCT mangeait dans la même salle que nous mais bizarrement, elle ne souhaitait pas nouer contact avec nous. Bernadette a tout de suite deviné qu'il s'agissait d'une de ses connaissances, une certaine Guylaine qui travaille pour la ville de Paris, célibataire et âgée de 46 ans environ. Elle semble traîner avec elle beaucoup de problèmes dans sa sacoche. Elle quittera l'établissement le lendemain matin aux aurores certainement pour ne pas nous rencontrer mais Bernadette l'a reconnaîtra bien quand elle quittera l'établissement vers 7h10.
Dès le matin, Claude V nous avertit que nous avons à parcourir aujourd'hui la plus longue étape de la flèche : 110 km environ. De Champlitte, nous descendons la vallée de la rivière "Salon" qui se jette dans la Saône un peu après Dampierre-sur-Salon. Nous traversons la Saône à Seveux. Les villages sont un peu austères mais en général bien fleuris. C'est dimanche, il y a peu de circulation et c'est assez calme. Nous roulons à bonne allure bien que la route soit assez gentiment vallonnée. Les villages se succèdent : Vellexon, Fresne, Nodans, Raze, Velle-le-Châtel, Vaivre et nous voilà dans la banlieue de Vesoul. Nous apercevons les bâtiments immenses du centre de distribution de pièces détachées de PSA, le plus gros établissement de la ville.
Vers 12h30, nous profitons d'une petite supérette encore ouverte pour faire nos courses. Sur les conseils du commerçant, nous allons en direction du lac à 10 mn à vélo. Finalement, nous nous installons sur une belle pelouse aux abords d'un lycée moderne en bordure d'une voie rapide.
Vers 14h, la petite troupe se remet en selle pour chercher un café. Nous contournerons la ville sans visiter le centre. Nous nous dirigeons vers le sud-est : Frotey-lès-Vesoul, Colombe-lès-Vesoul et un peu plus loin, nous prenons la D9, une route très roulante avec beaucoup de circulation. Nous allons en direction de Villersexel et après 7 ou 8 km, nous partons vers la droite vers Chassey-les-Monthozon. Des gamins avisés, nous indiquent la bonne route pour aller à Rougemont sans trop en "chier" selon leur expression. Nous verrons qu'ils avaient raison. Rougemont est un lieu de pointage de la flèche.
C'est la journée du patrimoine et, à Rougemont, il y a un musée sur la paléontologie dans le centre de la ville. A peine, nous y sommes, qu'un petit homme trapu nous accueille. Chemise et pantalon bleus, style gendarmerie, avec plein de décorations aux couleurs de la patrie sur la poitrine, comme un soldat russe il invite les passants : "venez, entrez messieurs, mesdames, je suis heureux de vous accueillir. C'est gratuit, vous donnez selon votre bon cœur pour l'aménagement du musée…" Tandis que nous posons nos vélos et que nous entrons, nous apprendrons que c'est un ancien caporal de la Légion Etrangère, qu'il est né à Babel-Oued, qu'il a séjourné 6 mois à Bonifacio, qu'il a fait l'Algérie et Madagascar, qu'il a eu une mamadou (femme de soldat) à Madagascar etc.… C'était comme une radio de fond pour ceux qui visitaient le musée et s'efforçaient de lire les écriteaux d'explication des différentes vitrines. Les pièces présentées proviennent pour la plupart de l'aven de Romain, un petit village à quelques km au sud de Rougemont. Cet aven qui s'est constitué vers -180.000 à 150.000 ans avant JC et a été un piège pour beaucoup de gros animaux, mammouths, lions etc. avant de servir de grotte pour les êtres humains à l'époque néolithique. Cependant, après 20.000 ans environ, cette cavité s'est comblée et, aujourd'hui, des fouilles permettent de retrouver des ossements et des squelettes d'animaux de cette époque lointaine. Par ailleurs, dans les couches calcaires de l'aven, des concrétions de mollusques marins sont admirablement conservées.
Au moment de repartir, notre caporal nous accompagne jusqu'à la porte du musée pour assister à la mise en selle. Tout émoustillé par le spectacle, il ne peut s'empêcher de féliciter Réjane qui, selon lui, a tout ce qu'il faut là où il faut. Si un jour il monte sur un vélo, Réjane y sera pour quelque chose…
Il nous reste 28 km pour atteindre l'Isle-sur-le-Doubs, le terme de notre étape de ce jour. Les derniers km sont agréables, mis à part la fatigue qui commence à se faire sentir. Les routes sont calmes, le temps est doux, juste ce qu'il faut pour faire du vélo. Les pancartes déclinent les km en décroissant.
Nous atteignons l'Isle-sur-le-Doubs vers 18h30 après 120 km depuis ce matin. L'hôtel de la marine où nous descendons est au bord du canal. Jean-Maurice se souvient d'avoir été client de cet établissement en 1966, au moment où il travaillait sur le chantier de l'autoroute A36. La maison est un peu vieillotte et fait petit hôtel de province des années 60. Les patrons font ce qu'ils peuvent pour faire tourner l'affaire et rembourser les dettes qu'ils ont contractées pour réaliser des aménagements de sécurité rendus obligatoires par les nouvelles dispositions légales.
Le dîner servi à 19h45 est copieux et satisfaisant. Les discussions philosophiques vont bon train. Cela aussi fait partie de ces voyages itinérants en groupe. Le vélo est une bonne occasion de vivre une expérience commune parfois fatigante qui permet d'épiloguer et d'échanger des points de vue dans un contexte de "vacances".
Réveil comme d'habitude vers 7h. Le ciel est couvert et gris. Le petit-déjeuner est pris dans la même salle à manger que le dîner hier soir. Nous pouvons démarrer vers 8h20 en roulant le long du canal qui passe en face de l'hôtel. A Etouvans, un peu avant Montbéliard, nous sommes obligés de reprendre la route, la circulation intense nous oblige à rouler à la queue le leu. Nous interpellons un cyclo pour qu'il nous prenne en photo devant la pancarte de Montbéliard et, un peu plus loin, nous nous arrêtons dans un café pour pointer notre flèche mais Jean considère que le tampon de l'office du tourisme serait plus joli mais pas de chance, l'office est fermé le lundi matin. Nous tournons en rond jusqu'à ce que Jean revienne après avoir trouvé à tamponner les cartons de la flèche et les voyages itinérants.
La pluie tombe par intermittence depuis ce matin. Nous tâtonnons un peu dans Montbéliard puis Sochaux pour trouver la bonne route qui nous conduira à Delle. Les zigzags en ville nous permettent de jeter un œil et de faire le tour de l'usine Peugeot, cœur historique de l'entreprise. Ici l'automobile est reine et les routes sont souvent à 4 voies ou à sens unique. La circulation est intense, les camions sont nombreux et les chauffeurs pas toujours très patients avec les cyclistes. La pluie persistant, Jean souhaite s'arrêter tout de suite dans un restaurant, tandis que Claude V considère que nous ne sommes pas assez avancés et qu'il restera trop de route pour cet après-midi. Finalement, nous irons jusqu'à Delle à mi-route et nous mangerons dans un petit restaurant au centre de la ville.
L'après-midi, le groupe se sépare en 2 sous-groupes,ceux qui veulent faire les BPF de Réchésy et Ferrette : Claude V, Réjane, Bernadette et moi, tandis que les autres iront directement à Carspach. Nous roulons avec des alternances de pluie et d'éclaircies mais dans le froid (11°). C'est un peu dommage car les villages que nous traversons sont propres, bien fleuris et jolis. Les maisons à colombages sont souvent peintes avec des couleurs assez vives, jaune, vert, violet, orange, marron. C'est choquant quand on n'est pas habitué mais ça égaie ce temps gris.
Les BPF sont pointés de façon très utilitaire, à Révésy, dans une pharmacie. La pharmacienne connaît la pratique et ne demande pas d'explication. A Ferrette, nous allons chez un coiffeur installé dans un centre commercial. Il fait lui aussi du vélo et nous parle de sa dernière randonnée des vacances en VTT sur le sentier des douaniers en Bretagne.
Nous remontons ensuite vers le nord. L'hôtel retenu à Carspach est tout à fait en dehors du village au bord d'une route nationale très chargée et dangereuse pour des cyclistes. Quand nous arrivons les 3 collègues : Claude S, Jean-Maurice et Jean P sont déjà installés dans les chambres. Le lundi, l'hôtel est fermé mais exceptionnellement, ils nous ont donné le N° du code d'entrée mais nous ne pouvons pas manger sur place ce soir car le restaurant est également fermé. Personne n'a envie de repartir en vélo ce soir, sous la pluie, sur cette route dangereuse. Claude S appelle un taxi qui fera 2 voyages pour nous conduire au restaurant à Altkirch. Là nous dégustons tous une bonne choucroute dans un cadre sympathique. A la fin du repas, le patron se proposera de nous raccompagner avec sa propre voiture car les taxis ne travaillent pas la nuit.
Nous sommes tous de retour à l'hôtel vers 21h45. On nous annonce de la neige demain au Ballon d'Alsace !
Ce matin les clients fantômes de l'hôtel se réveillent à peu près en même temps que nous vers 7h. C'est alors que nous nous apercevons que nous ne sommes pas les seuls à avoir passé la nuit ici, bien que l'établissement soit normalement fermé le lundi. Le ciel est bouché et la pluie nous accompagnera une bonne partie de la journée. Au petit-déjeuner, la discussion est animée au sujet de le route à prendre pour quitter l'hôtel en empruntant le moins possible la nationale. Finalement, de cette concertation résultera une sérieuse économie de km sur ce qui était initialement prévu. Au démarrage, il fait frais, nous roulons sur des petites routes de campagne, au milieu des champs de maïs. Les tiges de maïs font bien trois mètres de haut. Ces petites routes restent assez fréquentées et nous sommes souvent obligés de rouler les uns derrière les autres. Les villages aux noms et au style alsaciens se succèdent rapidement : Hagenbach, Hecken, La Chapelle et Rougemont-le-Château, BPF où nous marquons une pause dans un petit café pour pointer. Les WC ici sont à la turc. La patronne nous annonce de la neige au sommet du Ballon d'Alsace. Pour l'instant, il ne pleut plus. Le groupe se sépare en deux : Jean P, Bernadette et Claude S prennent la route la plus directe pour atteindre Ternuay lieu de notre étape d'aujourd'hui. Bernadette ira chercher quelques cols.
Les 4 autres : Claude V, Jean-Maurice, Réjane et moi partons pour le Ballon d'Alsace par Masevaux. Nous roulons pendant de nombreux km sur une piste cyclable construite sur une ancienne voie ferrée. C'est très agréable, les pentes sont faibles, il n'y a pas de circulation automobile. Nous pouvons rouler ainsi jusqu'à Sewen à 500m d'altitude, juste avant de s'engager sur la pente du Ballon d'Alsace (1250m). Avant de nous engager dans la montée nous nous arrêtons dans un restaurant pour déjeuner. C'est un logis de France qui présente un menu du jour de bon rapport qualité prix. La patronne est accueillante. Nous serons les seuls clients ce midi.
Quand nous repartons la pluie est toujours là. La pente se redresse immédiatement, heureusement le vent nous pousse et nous progressons régulièrement. Rapidement, nous sommes obligés de nous dévêtir car sous les vêtements de pluie la température monte vite. Quand nous pensons être au sommet, nous tâtonnons un peu pour trouver un établissement ouvert où nous pourrions pointer. Finalement, c'est dans une auberge tout à fait au sommet que nous nous arrêtons. La salle est chauffée et nous en profitons pour mettre des vêtements secs et faire sécher un peu nos gants. Les quelques clients du bar nous prennent pour des fous, ils ont peine à croire que nous venons de Paris en vélo. L'un d'eux, assez jeune, avoue à ses copains que pour 500 €, il ne monterait pas le Ballon d'Alsace en vélo par ce temps. Nous n'en sommes pas peu fiers ! A les entendre, on croirait avoir fait l'Annapurna !
Au moment de repartir dans la descente, la neige tombe en oblique poussée par le vent. Il fait froid, et, rapidement, nous avons les mains gelées. Réjane doit même s'arrêter car elle tremble de tous ses membres. A St Maurice-sur-Moselle, Jean-Maurice et moi attendons nos comparses qui tardent à arriver à cause du froid. La route jusqu'au Tillot, soit 6 km, est une nationale assez roulante mais avec beaucoup de circulation. Après Le Tillot, nous affrontons le col des Croix (678m) puis c'est une belle descente régulière et très roulante jusqu'à Servance, nouveau BPF. Nous pointons rapidement dans un bar restaurant et repartons pour Ternuay à 5 km de là. Le gîte se trouve à l'écart du village, au milieu des bois, accessible par une petite route avec des pentes supérieures à 15% et, rapidement le bitume devient chemin de terre. Le gîte est tenu par 3 filles dans la trentaine. L'une d'entre elles vient à notre rencontre en voiture pour nous encourager à poursuivre sur ce chemin qui nous semble mener au bout du monde. Elle nous indique la distance qui reste à faire avant d'arriver. Le gîte est une ancienne ferme, qu'à trois elles ont retapée au cours des trois ou quatre dernières années. Elles travaillaient à Paris, aux P & T et elles ont investi toutes leurs économies dans cette aventure. C'est bien réussi, il y a de la place pour vivre. C'est bien chauffé avec des poêles à bois.
Le repas pris avec deux des hôtesses est sympathique. Claude met de l'ambiance avec sa chanson, "demain soir à c't'heure ci…" et ses bonnes histoires, notamment celle du curé qui confesse un homme qui a fait une tentative de suicide, "repends-toi mon fils" lui donne-t-il comme conseil !
Après le repas, petite séance de cartes postales aux copains de l'abeille et concertation sur les heures de train de retour à Paris demain.
Nous voici arrivés au dernier jour de notre randonnée, de nos "vacances" selon certains… Ce matin, nous sommes un peu moins pressés que les jours précédents mais nous gardons nos bonnes habitudes de lève-tôt. Vers 8h, tout le monde se retrouve dans la salle à manger. Nos hôtesses ont dressé la table pour le petit-déjeuner et allumé le poêle. Il ne pleut plus mais le ciel est gris. Après avoir fait nos adieux, nous reprenons la route forestière vers le village. Cela nous paraît plus court qu'hier et plus rapide car ça descend. Nous roulons ensuite vers l'est pour traverser Fresse, Plancher-les-Mines. Ceux qui étaient arrivés hier par cette route avaient annoncé un col avec une forte pente pour arriver au sommet. Nous nous retrouvons au sommet de ce fameux col de la Chevestraye à 640 m, tout étonné de la facilité avec laquelle nous l'avons grimpé.
Ensuite jusqu'à Belfort, nous n'aurons que de la descente et du plat. A l'entrée de la ville le fameux lion phagocyte Cravanche, un bourg avec un point de vue que nous n'irons pas voir faute de visibilité. La boulangère où nous pointons nos BPF, nous dissuade de monter sur la colline, le temps est trop bouché et nous ne verrons rien. L'office du tourisme vient de fermer quand nous y arrivons. A la gare, nous pouvons constater qu'un train part pour Paris un peu après 13h et un autre vers 14h50. La majorité décide de prendre celui de 14h50 pour arriver assez tard à Paris afin de pouvoir prendre le RER avec les vélos. Tant pis pour celui qui préfère reprendre son vélo pour rentrer à Nanterre même sans éclairage...
Le chargement des vélos dans le train est une séance épique. Un compartiment du wagon est réservé aux vélos, il ne peut en contenir que 6. D'autre part, il faut se contorsionner pour rentrer nos engins. Finalement en accord avec le contrôleur, je pourrai m'installer dans un compartiment voyageur avec mon vélo ceci dissuader tout autre voyageur de venir me tenir compagnie. Il y a suffisamment de place dans ce train pour tout le monde. Les trois heures de voyage passent vite. Certains en profitent pour faire la sieste, d'autres usent leur reste de salive ou se plongent dans la lecture d'une revue ou d'un journal pour rentrer progressivement dans la vie civilisée. En effet depuis une semaine, nous vivons sans information, sauf quelques brides recueillies ici et là. Nous avons vécu en petit groupe avec, comme horizon, le prochain BPF, les pointages de la flèche, l'étape du soir et la couleur du ciel. Outre de jolis paysages, les souvenirs les plus marquants restent les rencontres, notamment dans les chambres d'hôtes ou, éventuellement, sur la route et dans les cafés. Chacun d'entre nous rentre avec des images plein la tête, une expérience de vie en équipe qui permet de mieux se connaître et de se supporter car nous avons chacun nos petits défauts exacerbés par la fatigue certains jours. Heureusement, nous avons commencé notre randonnée avec le beau temps et ce n'est qu'à la fin que nous avons rencontré la pluie voire même la neige pour ceux qui ont grimpé au Ballon d'Alsace.
Cette randonnée de plus de 700 km, nous a de nouveau fait apprécier le vélo comme moyen irremplaçable de découverte et de contact. Nous avons la chance d'en profiter plusieurs fois par an. Pourvu que ça dure ! A quand la prochaine ?
Un grand merci aux organisateurs qui prennent à cœur de réserver hôtels ou chambres d'hôtes et de prévoir les meilleurs itinéraires pour chasser le BPF.
Henri COURMONT
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |
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